Dans l'univers impitoyable de la grande distribution, la bataille commerciale fait rage à coup de promotions géantes et de remises alléchantes. Sauf qu'il arrive parfois que ces publicités soient trompeuses, voire mensongères. Ainsi en a jugé hier le tribunal correctionnel de Tours à propos d'une opération commerciale menée par l'hypermarché Carrefour de Saint-Pierre-des-Corps en octobre 2007.
Sur un prospectus diffusé à 165.000 exemplaires dans l'agglomération tourangelle, l'enseigne proposait une offre de crédit gratuit (payable en dix fois) sur une quarantaine de produits ciblés
vendus de 200 à 3.000 €. Le document précisait en nota que le paiement comptant donnait droit à un escompte de 2,34 %. Le 12 octobre, un contrôle des services de la concurrence et des prix
(DGCCRF) a révélé que sur 81 clients pouvant prétendre à cette remise, un seul l'avait effectivement obtenue.
Dans un premier temps, le directeur du magasin a expliqué aux enquêteurs que cette offre était exclusivement réservée aux titulaires de la carte de fidélité de l'enseigne. Il a ensuite évoqué
des problèmes de compatibilité informatique avant de prétendre que les bénéficiaires de la remise auraient dû en faire expressément la demande en caisse.
Hier, devant le tribunal, un représentant de la DGCCRF a battu en brèche toutes ces explications en rappelant que la pratique du crédit gratuit était régie par la loi et que celle-ci faisait
obligation d'un escompte (en cas de paiement comptant) « sans conditions restrictives ». « L'offre de remise n'est pas une faculté, c'est un impératif réglementaire », a-t-il
asséné.
Pour la défense, M e Roy-Masurel, du barreau de Paris, a fait une interprétation du code la consommation totalement différente en estimant que l'octroi d'un crédit gratuit n'imposait pas
automatiquement de remise en caisse. « L'escompte est systématiquement envisagé mais il n'est pas systématiquement pratiqué », a-t-elle plaidé en se référant à deux jugements récents
rendus pour des poursuites similaires.
Les juges n'ont pas été sensibles à ces arguments. Ils s'en sont remis aux réquisitions du procureur de la République en condamnant le directeur du Carrefour de Saint-Pierre-des-Corps à 10.000
€ d'amende. En outre, le tribunal a ordonné la publicité du jugement dans la presse locale. Une publicité dont l'enseigne se serait bien passée.