Chacun appréciera l’élégance du geste. À Hasparren, le patron du magasin Leclerc Express a décidé de ne plus accorder son aide au centre communal d’action sociale (CCAS). Des élus locaux évoquent le même traitement appliqué à l’ensemble des associations jusqu’alors sponsorisées par l’enseigne. Mesure de rétorsion, après le refus municipal de la laisser ouvrir l’entièreté des deux derniers dimanches de décembre 2018.
L’assemblée des édiles haspandars s’est réunie le 29 novembre dernier. Parmi les dossiers à trancher, l’urticante ouverture des commerces de la commune les dimanches 23 et 30 décembre prochains. Plus précisément les après-midi, en ce qui concerne Leclerc Express : les boutiques alimentaires pouvaient déjà ouvrir le matin. La loi permet depuis 2016 les « dimanches du maire ». Sur décision du Conseil municipal, le premier magistrat peut accorder des ouvertures exceptionnelles, dans la limite de 12 dates par an (les communes doivent décider avant le 31 décembre de l’année précédente). Cette fois, ce fut « non ». Et nettement. Vingt votes contre la mesure, sept voix favorables seulement et deux abstentions.
Affaire classique. Affaire classée ? Nenni. Gilles Gandon, le président de la société Sodibay, qui détient la moyenne surface d’Hasparren, prend la plume pour un courrier laconique au maire, Beñat Inchauspé. Il ne signera plus son chèque traditionnel au CCAS. L’association soutient les habitants les plus fragiles, confrontés à la précarité.
Le premier magistrat préside la structure. C’est lui qui décachette la missive revancharde, datée du 11 décembre. Gilles Gandon y tire un trait sur l’entente jusqu’alors en vigueur : « Compte tenu de votre position pour l’ouverture des commerces sur votre commune les dimanches de décembre 2018, nous sommes contraints de mettre un terme au partenariat que nous partageons depuis de nombreuses années. » Et d’enfoncer le clou, acide : « C’est avec un certain regret que nous avons pris cette décision qui découle de l’avis de votre Conseil municipal. »
Beñat Inchauspé répond à l’entrepreneur quelques jours plus tard. Il prend acte de « l’arrêt de (sa) générosité » à l’endroit « des personnes défavorisées » de la commune. « Sur le fond, je ne peux que déplorer une telle attitude », écrit-il. Le maire aussi manie l’ironie : « Votre conception de l’économie solidaire et désintéressée ne vous fait pas honneur. » Il promet de « diffuser très largement » leur échange de correspondances. Ces lignes attestent la parole tenue…
Dans un communiqué, le groupe abertzale de gauche Herritarrekin s’élève contre « ce qui (lui) semble scandaleux ». Il convient qu’un acteur privé n’a pas « à se justifier sur le versement ou non de subventions aux associations ». Mais l’opposition municipale fustige l’attitude qui consiste à « prendre le secteur associatif en otage et le forcer à faire pression sur les élus ». Herritarrekin insiste sur l’aide au CCAS « qui concernait depuis plusieurs années l’opération de Noël pour les enfants des milieux défavorisés ».
Selon les élus abertzale, plusieurs associations auraient à pâtir du coup de sang du chef d’entreprise. Et « il semblerait que d’autres commerces aient utilisé le même argument pour remettre en question leur soutien à des associations ». Ou comment des acteurs de la vie locale, très majoritairement bénévoles, se retrouvent victimes collatérales d’appétits commerciaux qui les dépassent.
Mardi soir, nos tentatives de joindre Gilles Gandon s’étaient arrêtées aux portes de son secrétariat.